1 mars 2011 2 01 /03 /mars /2011 14:59

Le 14 avril 1997


Hippisme: drame au prix du Président. Marquée par la mort d'un cheval, la course a été remportée par un outsider.


A Auteuil, où se disputait hier après-midi le 98e prix du Président de la République, plus que sur aucun autre hippodrome il y a des signes qui ne trompent pas. Au dernier obstacle de la deuxième épreuve, Vincipontain, un gentil hongre, culbute et ne se relève plus, étendu, raide paralysé. Le public se scinde en deux: ceux qui maugréent et retournent vers les guichets, et ceux qui se massent vers la lice, inquiets, pressant leur programme dans leurs mains. Après dix minutes, l'alezan se relève et s'ébroue, oreilles pointées, tout étonné d'être en vie, entier, avant de passer entre la file des curieux qui l'applaudissent et lui crient «bravo!». Une dame toute ronde, avec robe à fleurs, passe un gros doigt sous ses lunettes embuées et dit: «C'est rien, c'est rien, c'est l'émotion, il sont si bons, si courageux, si beaux debout que je souffre de les voir à terre.» Le jockey du revenant groggy s'appelle Capitaine. Voici le signe, car deux heures et demie plus tard, lors de la course classique, le Président, roi des handicaps, l'unique concurrent appartenant à l'administration publique (il est entraîné à Fontainebleau dans une section course de l'école militaire), Duky, se tue en sautant le 15e obstacle, le moyen open-ditch (voir Libération de samedi). Un «soleil» impressionnant, comme l'on dit dans le jargon, comme si, sonné par le saut précédent, le Rail-ditch and fence, dit le Juge de paix, il n'avait pas vu arriver cet obstacle redouté, car souvent les chevaux s'y relâchent. Encore à terre, son militaire de partenaire, chemise et képi stricts, se retourne et voit l'un des postérieurs de Duky qui bat la chamade comme s'il lui disait adieu, cervicales sectionnées. La dame à la robe à fleurs ne doit plus voir la course; gros brouillard sur la butte Mortemart... Les spécialistes, eux, ont remarqué l'extraordinaire saut de Lorquin au Rail-ditch and fence. Les quatre longueurs qu'il vient de gagner sur le peloton regroupé mais passablement essoufflé auraient dû lui permettre de terminer à l'arrivée. Or, Quetsche, un magnifique bai brun à la tête arabe soulignée d'une liste en filet laiteux, vient à ses côtés à l'avant-dernier obstacle et le tamponne littéralement dans son envol avant de filer au poteau. Si Christophe Pieux, le jockey de Lorquin, ne portera pas plainte car pour lui la course est définitivement perdue, le deuxième et le quatrième réclament contre Quetsche, coté à 29 contre 1, et donc inattendu. Troisième, Kitko, alezan brûlé barbu sous les ganaches, sauve l'honneur des favoris. Le résultat sera maintenu pour le plus grand bonheur de Denis Dessouter et Jean-Pierre Totain, cavalier et entraîneur du lauréat, des professionnels palois. Dessouter, qui avouait avoir «toujours été noir à Paris», remporte sa première victoire parisienne après 250 succès en province. Quetsche, qui passe pour saigner facilement des naseaux, les 650 000 F qu'il a décroché lui ont fait tripler ses gains. Son entraîneur a décidé de l'envoyer au pré jusqu'à l'automne. Sage décision.

PL AT - dans HIPPISME