9 février 2011 3 09 /02 /février /2011 14:52

Le 27 janvier 1997 

 
Abo Volo, la victoire en trottant. Le cheval a remporté hier le prix d'Amérique en prenant dès le départ la tête de la course .

A quinze heures, dimanche, dans les écuries de l'hippodrome de Vincennes, Vincent Brazon ouvre le box d'Abo Volo, magnifique trotteur de 9 ans et favori du 76e prix d'Amérique, épreuve la plus sélective et donc la plus palpitante de la planète. «C'est l'heure, mon Volo», dit le lad à son champion. Corps fumant, l'étalon redresse l'encolure et pousse un soupir. Avant de s'installer à son sulky, le driver belge Jos Verbeeck lui tapote la croupe qu'il a pleine et brun chocolat. Après le défilé d'avant course, les deux hommes se retrouvent au départ, car Vincent Brazon doit tendre l'enrênement de son crack (cela lui relève le port de tête pour un équilibre parfait lorsqu'il sera lancé à grandes battues), juste avant sa volte d'entame. Le lad regarde l'oeil volontaire et concentré du trotteur, puis fait un clin d'oeil au driver, qui, fidèle à sa maestria, prend un départ volant pour s'installer en tête du peloton, à la corde devant ses 17 adversaires. Cette victoire, Jos et Vincent la veulent, pour le cheval d'abord, qui en près de 90 épreuves n'a presque jamais terminé plus loin que 3e, mais surtout pour son propriétaire, Albert Viel, un octogénaire qu'un cancer a cloué à l'hôpital. Or les casaque noire et toque rose du grand Albert (voir Libération d'hier), dont l'élevage de demi-sang est le plus fameux d'Europe et le palmarès archibondé de lauriers, n'ont jamais remporté la grande épreuve. Le temps compte. Abo Volo et Jos Verbeeck vont l'emballer: ils parcourent les premiers 500 m dans une réduction kilométrique de 1'16''2, puis les 500 suivants sur le pied de 1'15''2. Le tenant du titre, Coktail Jet, se place à leurs côtés. Les adversaires suédois, dont le fils d'Idéal du Gazeau, His Majesty, sont mal partis et bataillent dur. Dans la longue montée de Vincennes, Abo Volo accélère encore (1'14''6). Coktail Jet abdique petit à petit. His Majesty remonte avec trop d'optimisme jusqu'à atteindre la hanche des premiers, puis se laisse avaler par le peloton. Crinière au vent, Défi d'Aunou, joli blondinet, s'accroche au sulky de Verbeeck, tandis que le massif alezan, Capitole, ronge son frein et louvoie dans le fouillis du peloton. Il trouvera quelques fissures dans la ligne droite pour finir à la croupe d'Abo Volo, lequel, impérial, par sa longue accélération, laisse ses rivaux sans souffle. Défi d'Aunou conserve la troisième place devant le plus élégant de l'épreuve, l'italien Crowning Classic, dit «Il Mostro» pour avoir dévoré le bras de son lad. Avec cette 37e victoire de sa carrière, Abo Volo décroche 2 millions ce qui porte ses gains à près de 18 millions. Surtout, il donne raison à Albert Viel, qui ne supporte pas les croisements de sang. Fils de Lurabo, un savoyard vainqueur de l'Amérique en 1984 après avoir été second d'Idéal du Gazeau, et de Grande Volo, une fille du chef de race français Fandango, Abo Volo est donc un «pur» français. Dorénavant estimé à plus de 20 millions de francs, il peut se laisser aller à ses trois passions: son amitié avec son lad, les citrons et les pouliches qu'il honore avec coeur et brio. Quant au grand Albert Viel, le voilà armé d'une victoire divine pour faire patienter les anges .

PL AT - dans HIPPISME